Émergence d’une ataxie cérébelleuse chez le Staffordshire terrier américain

Dr S. Blot, DVM, PhD, Diplom. ECVN
Dr JL. Thibaud, résidant
Unité médico-chirurgicale de Neurologie
Département d’élevage et de pathologie des Carnivores Domestiques et des Équidés
École National Vétérinaire d’Alfort
7, avenue du Général de Gaulle
94704 Maisons-Alfort cedex

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A la consultation de Neurologie de l’École Nationale Vétérinaire d’Alfort, nous assistons depuis un an à la recrudescence de cas d’ataxie cérébelleuse chez le Staffordshire terrier américain. Cette recrudescence reflète une dissémination importante de la maladie au sein de l’élevage français. Cette forte prévalence nécessite la mise au point d’un diagnostic précoce. Les études préliminaires ont permis de définir le cadre nosologique de cette affection. Il nous semblait maintenant important de vous informer de l’émergence de cette nouvelle entité pathologique et de vous demander votre participation afin de satisfaire au plus vite l’objectif suivant : prévenir la dissémination de la maladie dans l’ensemble de l’élevage français.

Une ataxie cérébelleuse progressive de l’adulte…

La maladie concerne autant les mâles que les femelles et se retrouve chez des chiens provenant de toute la France. Elle est également rencontrée chez des chiens provenant des États-unis et d’autres pays européens. L’ataxie se déclare chez des animaux adultes, âgés de 2,5 à 6 ans, elle s’aggrave très lentement et amène une invalidité très prononcée après plusieurs années.
En début d’évolution, le chien présente une ataxie très discrète qui se manifeste essentiellement dans des situations difficiles : virages et mouvements brusques, montées ou descentes des escaliers.
Au cours du temps, les symptômes deviennent constants et la maladresse se transforme en une hypermétrie de plus en plus prononcée. Dans les situations difficiles, l’animal présente une aggravation aiguë et transitoire de son ataxie : il s’aplatit sur le sol avec la tête plus ou moins rejetée en arrière et le regard dans le vide. Un nystagmus vertical est présent lors de ces «crises». Ce nystagmus peut être mis en évidence précocement dans l’évolution de la maladie en mettant la tête du chien en hyperextension pendant quelques secondes. Cette position aggrave transitoirement les symptômes neurologiques. Aucun déficit de la proprioception consciente n’est noté. Des tremblements, de la tête en particuliers (au repos comme à l’action), une tête penchée d’un côté ou de l’autre et une augmentation du polygone de sustention sont également remarqués.
En fin d’évolution de la maladie, une diminution du clignement à la menace peut être constatée. Les symptômes n’évoluent jamais vers une modification du comportement.

L’ensemble des signes cliniques évoque une lésion cérébelleuse.


Ataxie prononcée sur un chien de 6 ans
(début des signes vers l’âge de 4 ans)

…confirmée par l’I.R.M et l’analyse histologique…

Les moyens diagnostiques à notre disposition sont restreints : seule l’imagerie par résonance magnétique nucléaire révèle une diminution de la taille du cervelet. Elle s’accompagne d’une augmentation de la taille des sillons cérébelleux et d’une accumulation de liquide cérébrospinal plus importante autour du cervelet. Ces signes se majorent avec l’évolution de la maladie. La ponction de liquide cérébrospinal met en évidence une protéinorrachie discrètement augmentée non spécifique. Le scanner ne permet pas de visualiser correctement le cervelet. Les signes cliniques et les résultats des examens complémentaires permettent de conclure à une atrophie cérébelleuse.
L’examen histologique montre une lésion uniquement localisée au cervelet se caractérisant essentiellement par une dépopulation des cellules de Purkinje.

Analyse histologique du cervelet

Chien sain
(laboratoire Anatomie Pathologie / ENVA)
Chien malade
(3 ans)

…se transmettant selon un mode autosomique récessif.

Enfin l’étude du pedigree des animaux atteints suggère fortement une transmission héréditaire selon un mode autosomique récessif

Ainsi, cette affection héréditaire menace le Staffordshire terrier américain pour plusieurs raisons :
- le caractère tardif de l’apparition de la maladie fait que le diagnostic suit la réalisation de plusieurs portées : il y a donc dissémination de la maladie,
- le mode de transmission autosomique récessif sous entend l’existence de nombreux individus porteurs sains mais conducteurs (les hétérozygotes) qui participent à la dissémination de la maladie.

Aussi est-il urgent de posséder un moyen de diagnostic et de dépistage précoce et peu coûteux, tel un test génétique qui permettrait non seulement d’établir un diagnostic sur les animaux malades mais surtout le dépistage des animaux hétérozygotes et homozygotes récessifs (futurs malades) dès la naissance. L’élaboration de ce test est à notre portée.

La mise au point de ce test nécessite l’analyse préalable de trente à cinquante échantillons de sang de chiens apparentés malades ou non malades (conducteurs ou génétiquement sains). Pour mener efficacement cette étude, nous sollicitons votre coopération : nous sommes intéressés par des échantillons de sang de chiens atteints de cette ataxie cérébelleuse ou de chiens indemnes âgés de plus de sept ans avec pedigree.

GLOSSAIRE :
- ataxie : trouble de l’équilibre ou de la coordination motrice
- hypermétrie : démarche caractérisée par des foulées dont l’amplitude est exagérée
- nystagmus : déplacement des yeux «à ressort» comportant une phase rapide et une phase lente, ici le déplacement est excessif, non coordonné au déplacement de la tête, donc pathologique
- cervelet : partie de l’encéphale (le système nerveux inclus dans la boîte crânienne)
- porteur sain ou animal conducteur : animal ne présentant pas les signes cliniques de la maladie mais porteur sur l’un des chromosomes d’un même paire d’un gène anormal. Il est capable de transmettre à ses descendants la tare correspondante. Il est dit hétérozygote car les deux formes du même gène ne sont pas homogènes. Un individu sain sur le plan génétique est homozygote sauvage, le caractère sauvage étant considéré comme le caractère normal, les deux formes de ce caractère sont alors les mêmes.

La complexité du dépistage de la maladie est due au caractère récessif de la maladie. Car le statut clinique ne reflète pas le statut génétique. Plusieurs situations cliniques et génétiques sont rencontrées, et particulièrement pour les maladies récessives, une même présentation clinique peut révéler plusieurs statuts génétiques (voir tableau suivant).

Tableau des formes cliniques et leurs correspondances génétiques
TYPE D'ANIMAL
STATUT CLINIQUE (=phénotype)
STATUT GENETIQUE (=genotype)
Sain génétiquement


Sain toute sa vie


Indemne, non conducteur, homozygote sauvage, ne transmet pas la maladie à sa descendance sauf s’il est croisé avec un malade ou un hétérozygote
Conducteur


Sain toute sa vie


Hétérozygote, transmet l’anomalie génétiquement à sa descendance même s’il est croisé avec un individu génétiquement sain.
Chien jeune (< 2 ans) qui va devenir malade


Sain jusqu’à l’apparition des symptômes



Homozygote muté, les 2 formes du même caractère sont anormales, quelque soit le chien avec lequel il est croisé (même avant l’apparition des signes cliniques), il transmet à sa descendance l’anomalie génétique.
Chien malade (animal > 2 ans)



Malade, signes s’aggravant progressivement


Homozygote muté, les 2 formes du même caractère sont anormales, quelque soit le chien avec lequel il est croisé (même avant l’apparition des signes cliniques), il transmet à sa descendance l’anomalie génétique.

4 situations cliniques
2 phénotypes
3 génotypes

Exemples de croisements et résultantes

1. Si les deux parents sont génétiquement sains...

...ont des descendants génétiquement sains, non conducteurs...

2. Si l’un des parents est malade...

... TOUS les descendants, à la première génération sont non malades, mais porteurs...

3. Si l’un des parents est porteur...

... 50% des descendants, à la première génération, sont porteurs, les 50% restant sont génétiquement sains...

4. Si les deux parents sont porteurs...

... 50% sont porteurs sains (moitié de mâles, moitié de femelles), 25% sont malades, 25% sont génétiquement sains...

5. Si les deux parents sont malades...

... TOUS LES DESCENDANTS SONT MALADES...

Soit avec la simulation suivante :



Pedigrees à rechercher

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